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21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 17:58
L'autre rive comme un passage obligé

Dans l’Évangile de ce 12e dimanche du temps ordinaire de l’année B, en Marc 4, 35-14, Jésus invite ses disciples à passer de l’autre rive. J’accroche sur une phrase qui m’interpelle : «Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus dans la barque, comme il était…» Que veut dire ce «comme il était»?

Toute la journée, les disciples sont témoins d’un Jésus qui parle à la foule sur la terre ferme, en plein jour, sous un soleil de plomb et une brise légère. L’invitation de Jésus est envoûtante. S’il peut agir dans notre barque comme il le fait sur la rive, il n’y a donc rien à craindre. Mais là, au large, ils ne sont plus sur la terre ferme, ce n’est plus en plein jour et Jésus ne parle pas. Au contraire, il dort.

Quand je vois Jésus parler à la foule, j’ai l’impression de lire une encyclique du pape ou une lettre pastorale d’un évêque. Que c’est donc clair et bien articulé! Si on avait juste la bonne volonté de mettre de telles directives en place, tout nous semblerait si facile. Ce passage sur l’autre rive est-il nécessaire? Pourquoi faut-il qu’il se fasse en pleine nuit, sur une mer agitée et les vents turbulents, dans une barque fragilisée par les contres courants et les vents contraires?

Accueillir Jésus dans sa vie, c’est l’accepter tel qu’il est. Oui, nous le voyons agir en plein jour dans les différentes revendications contre l’austérité et les décisions dérangeantes. Pourquoi doit-il dans la barque de ma vie personnelle où je me sens seul devant des choix personnels aux conséquences inconnues?

Je me suis déjà vu dans une tempête au large de Val-Comeau au Nouveau-Brunswick. Je me disais qu’il n’y avait pas de raison d’avoir peur, que le capitaine ne risquerait pas sa vie, celles de son équipage, la perte de son bateau ou des dommages à ses équipements électroniques. Quelle différence entre un creux de vague dont le courant tire à l’opposé du sommet de la même vague! Il n’était pas question que j’aille, comme j’en avais l’habitude en temps calme, me coucher sur un lit dans la cabine et me laisser bercer par la vague matinale. Pourtant, c’est en de telle situation que Jésus dormait à l’arrière du bateau. Pour les non-initiés, l’arrière du bateau est l’endroit à éviter en situation de tempête.

La vie oblige à changer de rive afin de poursuivre le pèlerinage en ce monde aux aires décevants tant il faut conjuguer ses faiblesses et ses peurs avec la force et l’audace des vents contraires aux passages obligés. Au large, j’avais demandé au capitaine pourquoi lui et son équipage n’avaient pas peur. Il me dit : «Le devant du bateau est fait pour faire face à la vague. Mais si on se mettait de côté, une seule vague suffirait pour balayer l’intérieur de la cabine de ses équipements électroniques. Et pire, si on lui tournait le dos, une seule vague nous engloutirait au fond de la mer…» Mais, selon l’Évangile, pourquoi Jésus dormirait-il là où c’est le plus dangereux dans l’expédition de notre vie?

Jésus semble dormir dans nos tempêtes intérieures parce qu’il nous fait confiance. Il croit en notre désir d’être heureux, de réussir sa vie, d’accomplir son baptême et d’être fécond. Oui, Jésus est capable de calmer nos tempêtes intérieures. Mais il veut d’abord que nous soyons confrontés à nos capacités de manœuvre notre vie dans les travers de l’existence menaçante. Jésus nous fait confiance au-delà de notre foi en notre baptême. Grâce à ce sacrement oublié, nous avons ce qu’il faut pour faire face à la vague troublante dont les écumes embrouillent notre visière. Et un jour, quand l’autre rive sera enfin atteinte, nous nous surprendrons à dire comme les apôtres : «Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent?»

Mais avant d’arriver à le dire, encore faut-il le vivre! Là est la force du témoignage que nous devons apporter, comme un souffle nouveau venu d’une autre rive. Pourquoi faut-il crier vers Jésus? C’est qu’il nous faut une parole plus forte que notre peur. Et ce cri du cœur est justement le signal que notre espérance est plus grande que les revers qui nous déstabilisent à en perdre pied.

Une dernière question pour clore cette réflexion. Comment les autres barques qui suivaient sont-elles parvenues à vaincre la vague et le vent qui les menaçaient elles aussi? C’est qu’elles se centraient sur la barque où elles croyaient en la présence de Jésus. Si dans ma vie, Jésus dort sur mon baptême oublié, qu’advient-il des non croyants qui ne savent pas ce que mon baptême m’a appris? Leurs traversées sont-elles plus faciles que la nôtre?

On dit souvent qu’un universitaire qui ne lit jamais n’en connaît pas plus que celui qui ne sait pas lire. Un baptisé qui ne croit pas en son baptême et aux grâces qui l’accompagnent est-il meilleur qu’un philanthrope athée qui se sait humaniste quoique sans appartenance religieuse?

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