Avec les événements du 4 septembre 2012 au Métropolis à Montréal, je retiens l’expression d’un chef de bureau de Radio-Canada à Québec qui aurait dit : «Un mort et huit millions de blessés.» C’est tout un peuple qui a été blessé dans cet attentat. Était-ce envers la nouvelle Première Ministre élue ou envers tous ceux et celles rassemblé(e)s pour festoyer? Nous ne le saurons probablement jamais. L’individu en question sera probablement reconnu comme fou. Mais est-ce aussi la folie d’un peuple?
Lors d’un souper avec une bonne amie, celle-ci me confia ses états d’âme à la suite des funérailles télévisées de Denis Blanchette. Elle se demandait où le Québec s’en allait dans de telles conditions. La question est bonne. Ne tentons pas d’y répondre trop rapidement. La foi, c’est apprendre à vivre avec des questions sans réponse immédiate. Faisons taire nos réponses toutes faites à l’avance. Prenons le temps de choisir les voies que propose Jésus quand il dira à Thomas : «Je suis le Chemin, la Vérité et la vie.» C’est le texte de l’évangile choisi pour les funérailles de Denis Blanchette. Qu’est-ce à dire?
LE CHEMIN fait référence au savoir intellectuel. Avant de prendre une route, il faut savoir où il conduit. Si je dois me rendre à tel endroit, il me faut savoir le chemin qui y conduit. Mais le savoir intellectuel n’est pas suffisant en lui-même. Il engendre des débats intelligents mais on ne sait pas toujours où il mène. C’est ce que nous avons vécu durant les dernières élections. Ce qui semblaient vouloir être des débats d’idées entre des chefs compétents et consciencieux s’est transformé en chicanes de coqs et on n’en connait pas les gagnants. Les résultats en pourcentage en témoignent. Il n’y a que 1 % entre le parti qui forme le pouvoir et l’opposition officielle. C’est un fait et on le sait. Ce chemin mène où dans les discussions publiques?
LA VÉRITÉ n’est pas un concept abstrait à pelleter dans les nuages. Elle constitue un ensemble de données qui aident à comprendre l’être humain. En fait, la vérité n’a qu’un seul objectif; aider à comprendre l’être humain et ce, dans ce qu’il est capable du meilleur au pire. En Église, il y a le pécheur et le saint, le péché originel et l’appel à la sainteté. L’humain vacille entre ces deux tendances qui l’écartèlent. Il voudrait être «ange» mais il fait la «bête». L’homme se débat continuellement entre son désir du Ciel et son attrait pour l’Enfer.
LA VIEfait appel à l’instinct du principe fondamental de l’humain. La vie s’engendre, elle ne s’invente pas. Pour en vivre pleinement, il faut croire en la vie. Comment croire aux possibilités qui occasionnent les lendemains des nuits obscures tels que les événements du 4 septembre?
Pour saisir la croissance en Jésus, il faut agencer les paires de mots : «chemin – savoir», «vérité – comprendre» et «vie – croire.» On ne comprendra jamais tout ce qu’il faut savoir et croire pour avancer sereinement dans la confiance. On ne saura jamais tout ce qu’il faut comprendre et croire pour relever les défis que nous réserve l’avenir. Mais on risque de ne croire que ce que l’on comprend et uniquement ce qu’on sait. Ce faisant, on imite gauchement ce vieux prêtre jésuite qui m’a enseigné les prophètes lors de ma formation théologique. De ses fiches jaunies tant il a enseigné son sujet depuis des années sinon de décennies, ses cours étaient d’une platitude innommable. Pour briser la monotonie de ce supplice, j’ai osé poser une question. Je revois le professeur qui, en me regardant pardessus de ses lunettes me demanda : «Oui monsieur LeClair. Avez-vous une question intelligente pour la réponse que je viens de donner?» Cette caricature est l’image que nous retenons de l’Église d’avant Vatican II et que nous aimons appliquer à nos jours. «Voici nos réponses, ne posez pas de questions qui n'y font pas référence!»
Le drame est que cela nous vient maintenant des médias et non de l’Église. J’ai regardé attentivement l’émission «Tout le monde en parlait» où on dénonce la censure de l’Église des années 50 sur les films aux mœurs douteuses. Les médias en font autant aujourd’hui mais autrement. Tant et aussi longtemps qu’on soit contre le crucifix et la foi catholique, on peut compter sur des temps d’antenne extraordinaires. Mais dès qu’on se dit catholique pratiquant et qu’on défend le crucifix dans les lieux publics, il est impossible de se faire entendre car les micros ne fonctionnent plus et impossible de se faire voir car les caméras s’éteignent par manque de temps d’antenne.
J’accuse les médias d’utiliser l’ignorance des gens comme si ces derniers étaient encore à coloniser selon la nouvelle qu’on veut lui imposer. Selon cette manière de communiquer, il faut absolument comprendre et ce, sans vraiment savoir et encore plus sans y croire. On nous impose des réponses sans entendre nos questions. Où est la différence avec ce prof de théologie qui pensait détenir la vérité à laquelle il me fallait ajuster mes questions? Ne cherchons pas, il n’y a aucune différence.
Pour suivre le cheminement proposé par Jésus, il faut accepter qu’on ne sait pas tout, qu’on ne comprendra jamais l’ensemble du problème et surtout, qu’on ne sait plus croire au-delà de ce qu’on sait ou de ce qu’on comprend.
Jésus nous offre trois voies complémentaires dont l’une ne domine pas les deux autres. Le drame du 4 septembre s’est soldé par les funérailles du 10 septembre de cet homme des coulisses qui passait jusqu'alors inaperçu pour que celui ou celle qui est sous les projecteurs devienne la star du jour. Il est allé fumer une cigarette qui n’est pas populaire pour le mieux-être de sa santé selon les médias. Il en est mort mais pas à cause de ce qu’on croit de cette habitude qui semble tuer plus que les armes à feu.
Il n’y a rien à comprendre. Mais si on veut vraiment savoir, il faut d’abord oser croire. Et ce que je crois de ce brasse-camarade médiatique, il me faut savoir comment l’humain comprend les évènements qui lui arrivent. Mais je ne suis pas certain que je vais y croire.