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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 03:56

Cher cousin Dan,

L’affaire de l’avortement d’une petite fille au Brésil nous montre que l’Église est méchante. Elle est dirigée par des hommes depuis 2000 ans. Les femmes n’ont pas d’affaire là-dedans. Les femmes ne devraient plus mettre les pieds dans une église pour contester de telles condamnations. Cousine Victorine

 

Chère cousine Victorine,

J’ai choisi ta question parmi d’autres tant le sujet a été d’actualité. Tu me permettras une note personnelle. Quand la nouvelle a fait la manchette, j’ai sauté à en croire que le tonnerre était tombé dans mon téléviseur. Les informations nous rapportaient qu’un évêque brésilien avait excommunié de manière formelle une enfant de 9 ans, tombée enceinte de son beau-père, et sa mère qui avaient dû recourir à l’avortement, et ne portait aucune condamnation envers le violeur. L’Église apparaissant sans cœur dans ce jugement. Je te ménage les mots qui ont nourri mon vocabulaire du moment. Mais grâce à l’Internet, la réaction des autres évêques n’a pas tardé. J’ai en mémoire cette sortie d’un évêque de France qui s’est dit fortement contrarié dans sa mission d’Église tant il doit contredire un confrère dont il doit être solidaire.

 

Une vague médiatique orchestrée

Pour ce que je comprends maintenant de l’affaire, avec le recul, il y a eu malveillance en vue d’une vague médiatique pour dénigrer l’Église à grande échelle. Faut-il revoir l’éthique des médias dans de telles circonstances, compte tenu que la nouvelle se propage plus vite aujourd’hui qu’il y a 30 ans? Je laisse la réponse à d’autres. Toutefois, tu me permettras deux questions qui me chatouillent, ma chère Victorine. Comment se fait-il qu’une erreur de jugement d’un évêque du Brésil passe plus vite sur nos réseaux d’information que la sagesse de nos évêques canadiens solidaires de nos réalités quotidiennes? Et comment se fait-il que, lorsque nous lisons le texte original, avant d’être commenté dans les médias, nous n’avons pas l’impression de lire la même histoire?

 

J’aime croire qu’il y a de bons journalistes soucieux des intérêts des gens et appliqués à respecter la conscience de ceux qui les regardent à la télé, les lisent dans les journaux ou les écoutent à la radio. Mais malheureusement, le non verbal des uns ou le ton de voix des autres en disent plus que les paroles prononcées. C’est une manière bien connue de manipuler non seulement l’information mais aussi la manière de la comprendre.

 

L’Église à laquelle je crois

Je crois en une Église à l’image de ce peuple de Dieu en marche dans le désert des incertitudes et des remises en question au cœur d’un monde en recherche. La femme y a sa place et celle-ci est prépondérante dans la spiritualité qui anime cette Église. Car sans Dieu et sans la spiritualité qui ouvre à l’expérience de la foi, l’Église comme structure sociale ne serait qu’un parti politique religieux dont la morale aurait force de loi. Et là, ma chère Victorine, je sortirais de cette Église avec toi, tant j’ai besoin d’une expérience de foi qui m’aide à célébrer avec d’autres dans la communion et l’unité.

 

On ne peut pas nier, ma chère Victorine, que l’Église soit habitée d’un héritage patriarcal. Que celle-ci soit dirigée par des hommes importe peu à mon avis : c’est d’abord l’Église de Jésus Christ et c’est Lui le premier maître à bord. Cette Église reconnaît que les femmes saintes comme Sara, Rébecca, Rachel, Myriam, Déborah, Anne, Judith et Esther ont conservé vivante l’espérance du salut d’Israël en attente du Messie. Qu’en est-il aujourd’hui?

 

Je crois que non seulement les femmes doivent garder les pieds dans cette Église en marche, mais qu’elles doivent aussi y mettre leur cœur de femmes porteuses de vie, d’espérance et de foi. L’Église englobe bien des cultures dont on ne comprend pas toujours les rouages parce qu’elles ne voient pas les relations hommes/femmes comme ici. C’est pourquoi, il est si important que des femmes de grande foi aident l’humanité entière à avancer sur les chemins du respect et de l’égalité.

 

L’Église ne se limite pas à ceux qui ont accès aux ministères ordonnés. Le baptême constitue le sacrement premier et place sur une même égalité, aux yeux de Dieu, tous ses enfants. Chaque baptisé y a sa vocation à même sa nature humaine et sa mission l’inscrit à même son existence. C’est le sens de l’eau avec laquelle nous baptisons. L’eau vivifie la nature et c’est d’abord dans sa nature humaine que l’enfant naît à la vie. Or, le petit gars deviendra un homme et la petite fille deviendra une femme. C’est la première vocation, celle d’être à même son identité humaine. Il faut devenir pleinement humain pour être pleinement chrétien.

 

Tu as ta place en Église, Victorine, avec tes doutes et tes questions

Je comprends ma chère Victorine que tu ne veux rien savoir d’une Église qui condamne. Moi non plus! Mais faut-il se sentir condamné(e) quand on entend une opinion publique différente de la vérité? Personnellement, je me sens condamné à croire quand j’entends des propos populaires qui sont, non seulement opposés à ma foi, mais aussi faux qu’un soleil de minuit ou une lune du midi. Je pense qu’il y a ici une blessure profonde camouflée dans une telle attitude.

 

Je comprends ta réaction et j’espère que tes sentiments se sont apaisés. Il y a pire que les mensonges que l’on entend comme des vérités, il y a l’obligation ressentie d’y croire comme des absolus et ce, malgré la fragilité de nos convictions profondes. Un vieux pêcheur acadien te dirait qu’on ne forge pas un capitaine sur un quai à regarder les bateaux passer. C’est au large, contre vents et marées, à lutter contre les éléments de la nature qui lui crient vengeance pour un tort qu’il n’a jamais commis, qu’il apprend à faire confiance à ses instruments de bord qui le conduiront à bon port.

 

Je me refuse de croire en une Église qui ne serait comparable qu’à un meuble avec un seul tiroir, donc à une seule manière de vivre sa foi. Un tel meuble n’est pas toujours commode pour tous. Ta perception de l’Église et l’expérience qu’elle engendre peut ne pas partager le même tiroir de ma réalité en cette même Église. Mais rien ne dit que tu n’aurais pas ta place dans un autre tiroir, pas loin du mien. Ainsi, nous pourrions donner des choix à d’autres qui aiment penser autrement.

 

Dis-moi ce que tu en penses.

Cousin Dan

danilec1@yahoo.ca

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